Portrait sidéral

Sculpture et déterminisme des formes naturelles

 

Largement dominé par les recherches conceptuelles et la provocation, l’art contemporain a depuis longtemps cessé de porter son regard sur les formes naturelles. Depuis qu’il s’est résolument placé au-dessus de la nature, l’artiste moderne lui substitue présomptueusement ses propres délires, renonçant à célébrer par la représentation la beauté du monde.
En ce qui me concerne, j’ai toujours été suffisamment émerveillé par les visages et les corps, pour n’y rien rechercher d’autre que leur vérité. Pourtant, si mon regard de sculpteur se plaisait à en contempler les formes, il me semble avoir toujours pressenti sous leur modelé l’existence d'une réalité sous-jacente plus profonde et encore inconnue...        

                                                                        
Lorsqu’au XIXe siècle, le sculpteur Bourdelle réalisa sa célèbre série de portraits de Beethoven à partir de son masque funéraire, son sujet devait irrésistiblement l’amener vers des profondeurs auxquelles il n’avait pas songé avant de l’entreprendre. Pendant plus de quarante ans, il explora le visage du compositeur qu’il n’avait pas connu. Cette aventure singulière et probablement unique dans l’histoire de l’art le conduisit à envisager son modèle sous des angles extrêmement variés, à travers un nombre considérable d’esquisses et d’ébauches successives.
Quand je découvris cet admirable ensemble, je fus frappé par la présence de trois types morphologiques distincts auxquels Bourdelle fit inconsciemment appel de façon récurrente tout au long de sa vie. Leurs formes étaient si singulières qu’elles semblaient surgir de l’imagination même du sculpteur à la manière de fantasmes obsessionnels. Ce n’est que beaucoup plus tard, après des années d’observations morpho-astrologiques, qu’un fait m’apparut comme une évidence : les trois types de visage beethovénien ne correspondaient pas à des fantasmes. Ils étaient l’incarnation des principes formels de Mars, de Saturne et du Sagittaire, les principales composantes sidérales du compositeur. Bourdelle n’en était évidemment pas conscient et n’agissait que sous l’empire de son intuition artistique.


Dès lors, convaincu de l’implication des forces astrales dans le processus d’émergence des formes naturelles, il ne m’était plus possible de contempler ou de modeler un visage, sans qu’aussitôt m’apparaissent les effets plastiques de leur présence. Il me fallait les extraire et les traduire en sculpture.
À quelques exceptions près, les visages que je sculpte sont des produits de pure imagination qui jalonnent mon parcours esthétique à la recherche des archétypes sidéraux.

Gérard Pestarque